Lors sa venue il y a quelques semaines, Gilbert Gress était accompagné d'un ami de longue date. Spectateur du retour de son ami au Racing, André nous livre aujourd'hui à travers quelques chapitres un regard atterré de l'aventure qu'a vécu Gilbert Gress pendant quelques semaines, cet "été en enfer" en mode Racing Club de Strasbourg ... Si vous souhaitez réagir, utilisez le manu contact à votre disposition. Les autres chapitres sont à retrouvés dans la rubrique "Auditeurs" !

CHAPITRE 1

Avec le retour de Gilbert Gress au Racing à la mi-juin 2009, toute l'Alsace du football et bien au-delà, renaissait enfm à l'espoir. Personne n'a oublié le talentueux joueur surnommé «l'Ange de la Meinau» ni l'entraîneur qui a écrit les plus belles pages de l'histoire du Racing Club de Strasbourg. Le temps n'a de prise, ni sur la passion, ni sur le talent. Toute l'Alsace, hormis quelques éternels esprits chagrins qui trouveront l'herbe toujours plus verte ailleurs, ou irréductibles anti-Gress souvent atteints de jeunisme aigu. On les trouve essentiellement sur la toile, courageusement camouflés derrière un pseudonyme. En six semaines, le bonheur a tourné au cauchemar. Les supporters ont vécu le dramatique épisode de l'été 2009 à travers la presse et quelques rumeurs fantaisistes. Les journaux locaux font leurs choux gras des heurts et malheurs du Racing depuis belle lurette, mais ils oublient bien souvent que l'investigation et l'objectivité sont les fondements même du journalisme. Faut-il s'étonner si la presse écrite est en chute ?

Proche de Gilbert Gress, j'ai été le témoin privilégié de l'imposture qu'a été son bref retour. Pourquoi, comment, je vais tenter de vous l'expliquer, en retraçant la chronologie des faits, tels que je les ai vécus. Le football professionnel avec ses budgets vertigineux, c'est d'abord et avant tout une histoire de gros sous, pardon, de très gros sous. Promoteur immobilier ambitieux, Philippe Ginestet voulait le Racing à tout prix. A Strasbourg, le président du Racing est la deuxième personnalité de la Ville. Quel tremplin pour les affaires. Pour écarter le lunetier bordelais Afflelou, non seulement il fait une offre de reprise qui ne se refuse pas au Président et actionnaire majoritaire Egon Gindorf, mais il menace aussi ses "amis" du Conseil d'Administration d'une action en justice.

Quatre années de présidence erratique mènent le club à la dérive fmancière et sportive. L'incompétence à ce niveau non seulement ne pardonne pas, mais elle a aussi un coût; le club qu'il a acheté entre 7 et 8 millions d'euros, a perdu plus de la moitié de sa valeur. Lassé, déprimé (DN du 1er juin), Ginestet veut vendre, mais pas à perte. Jacky Kientz, Président du club de 90 à 92 est le seul repreneur potentiel. Mais il a deux tares :
  • Pour payer le juste prix, il demande un audit financier indépendant.
  • Il amène Gilbert Gress dans ses bagages.

C'en est trop pour un homme blessé et de surcroît vexé par les récentes exhibitions festives du trentième anniversaire du titre. Se met alors en place un plan machiavélique.

CHAPITRE 2

1ER JUIN 2009 : Deux jours après la défaite à Montpellier et l'accession ratée, les supporters sont encore sous le choc d'une nouvelle mauvaise saison. Dans les DN, Ph. Ginestet étale son blues et ses désillusions. Polémiste en diable, le journal insiste lourdement en ce jour anniversaire des 30 ans du titre, sur la différence entre le Racing d'hier et celui d'aujourd'hui. En première page, une photo de Ginestet et Gress côte à côte le 28 avril au stade de la Meinau. En pages sportives, on en remet trois pages sur le mythique entraîneur, les glorieux champions et les fabuleux dirigeants de l'époque, baptisés les sept samouraïs pour l'occasion. Déçu, confronté à de graves problèmes personnels, l'orgueilleux homme d'affaires se met en quête d'un repreneur et contacte Roland WeIler. Mais, l'ancien président déclinant l'offre, le nouveau Président sera un membre minoritaire du Conseil d'Administration, Léonard Specht. Désormais, l'ancien stoppeur international aura deux patrons, Robert Lohr dans l'entreprise éponyme et Ph. Ginestet, actionnaire majoritaire du Racing.

3 JUIN : Playa des Amadorès à la Grande Canarie. Vers 20 heures, dans tous les hôtels AlI-Inclusive de la planète, le bar est pris d'assaut. Entre autre visages pâles (les nouveaux arrivants), un couple de notre âge retient notre attention. A parler lorrain parmi tous ces Allemands, forcément ! Un verre de sangria à la main, la conversation s'engage avec les Nancéens. Bien vite, les femmes parlent de leurs enfants et petits-enfants, et les hommes de foot. C'est ainsi que j'ai  rencontré le père Noël, ancien dirigeant de l'A.S. Nancy-Lorraine de l'époque Platini. Sa stupeur quand il apprend qu'en 79, Gilbert était tout prêt de le faire venir à Strasbourg. Et de m'informer que jusqu'en Lorraine, on déplore le niveau affligeant du Racing. «Mais comment Strasbourg peut-il se passer d'un entraîneur tel que Gilbert Gress» me dit Jean Noël.

11 JUIN : En vacances, ni journaux, ni portable, ni internet. Aucune nouvelle donc d'un Racing en pleine effervescence. Par contre, tous les matins, tennis. Mon partenaire s'appelle Siegfried. C'est un sympathique vigneron badois dans le début de la cinquantaine qui cultive une ressemblance avec Sean Connery. Apprenant mon alsacianitude, soudain le regard du grand gaillard s'illumine. Gilbert Gress, l'idole de sajeunesse. Oublié un temps la petite balle jaune à l'évocation des 66 -70 du VFB. « Si jamais tu as le bonheur de rencontrer un jour Gilbert Gress, transmets-lui les salutations d'un de ses plus grands fans. Dit-lui bien qu'à Stuttgart, personne ne l'a oublié ». Les diamants sont éternels dirait James.

17 JUIN : Aéroport de Las Palmas, 7 heures du matin. Après l'enregistrement, je traîne mon manque de sommeil en attendant le vol. Au détour d'une boutique, je tombe sur le seul exemplaire du seul journal français de l'aérogare. En feuilletant distraitement l'Equipe de la veille, en page 2, une photo de Gilbert suivie d'un article annonçant que le nouveau Président Léonard Specht a fait revenir Gilbert Gress. Je suis sur le c... ; Songez qu'après Weller, à chaque changement d'entraîneur, j'écrivais au président pour demander le retour de G. Gress. Imaginez le nombre de courriers! Cependant, pour être tout à fait honnête, je suis tiraillé entre deux sentiments contradictoires. Le supporter est évidemment aux anges, mais l'ami l'est beaucoup moins. Quel stress Béatrice va devoir affronter. En Suisse, Gilbert est une icône. Tour à tour brillant consultant pour la Champion's League, conférencier, animateur et j'en passe, il semble plus épanoui que jamais. Cependant, entraîneur dans l'âme, le banc lui manque toujours un peu. Il n'a jamais perdu de vue le Racing dont il ne rate aucune retransmission télévisée. Ce deuxième retour sera le plus difficile, et il le sait. Ce même jour, le nouveau Président Léonard Specht réuni le Conseil d'Administration afin d'entériner, à l'unanimité dira-t-on, l'embauche de G. Gress. Pendant ce temps, depuis un bureau voisin, l'actionnaire majoritaire est au téléphone durant 20 minutes avec Joël Muller pour tenter de convaincre le Directeur Sportif du FC Metz de venir entraîner le Racing !

18 JUIN : Conférence de presse pour la présentation du nouvel entraîneur. Je retrouve le stade de la Meinau avec plaisir et un brin d'émotion. La conférence se tient dans l'ancien bar Kronenbourg, pompeusement rebaptisé Salon des Présidents. Tandis que je regarde la galerie de photos des présidents successifs, Gilbert vient me saluer et me glisse discrètement :

  •  L'un ou l'autre portrait ne mériterait pas d'y figurer.
  • Assurément! répond l'AGA à la retraite.

Tour à tour drôle, incisif, charmeur, le nouvel entraîneur paraît très en verve face à une meute de jeunes loups à l'affût d'un scoop. Elle semble tellement affamée qu'à deux reprises, Léon demande à tous, en vain, de s'asseoir. A tous? Non. Installée en tapinois sur le dernier siège du dernier rang de la salle, une brunette chafouine, magnéto, bloc-notes et stylo en mains, semble guetter sa proie.

La suite dans quelques jours ...