Août 2011, en pleine débâcle, le Racing Club de Strasbourg disparaît, camouflée sous un sens tas de cendres, les seuls restes d’un club centenaire liquidé. Seuls quelques hommes tentent d’échapper à ce triste destin en essayant de sauver ce qui peut encore l’être. État de lieux.

La situation de la SASP

Jugement du TGI (cliquez pour agrandir)Par jugement du 18 juillet 2011, la 1ère chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg a ordonné l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire et nommé Maître Weil, administrateur. Ce redressement se soldera le 22 août prochain par l’un des cas de figure suivants :

  • Une cession-redressement (l'entité poursuit son activité en remboursant tout ou partie de son passif, avec les mêmes actionnaires et dirigeants ou bien en changeant),
  • Une cession-liquidation : l'activité économique de l'entité est cédée à un tiers et l'activité se poursuit dans une autre entité. Avec le fruit de la cession et la réalisation des actifs non repris (par exemple les créances et la trésorerie), le passif est remboursé selon l'ordre de priorité légal,
  • Une liquidation judiciaire si l'activité n'est pas viable, au cours de laquelle l'objectif est de réaliser l'ensemble des actifs de l'entreprise (biens, etc.), et de payer les créances dans l'ordre défini par la loi. Bien que cette procédure soit subsidiaire, elle est de loin la plus fréquente (environ 3/4 de liquidations).

Le Racing se trouve actuellement dans la situation 2, à moins que le contenu des offres de rachat de l’entreprise ne permette pas la cession. Voici justement les avantages et inconvénients d’un plan de cession :

Les avantages :

  • le rachat porte sur les actifs du fonds de commerce, il n’y a donc pas de reprise de dette ;
  • la reprise des salariés et des contrats d’exploitation (baux, locations...) se fait selon les besoins de la nouvelle exploitation ;
  • l’entreprise nouvellement créée peut bénéficier des exonérations fiscales prévues à cet effet, lesquelles deviennent rares.
Les inconvénients :
  • le prix de cession est souvent payable au comptant ;
  • la structure ancienne est dissoute, ce qui peut poser des problèmes à l’égard de certains partenaires ;le besoin en fonds de roulement est à financer totalement, l’entité nouvelle ne disposant d’aucun actif disponible préalable ;
  • même en l’absence d’obligation légale, la reprise des congés payés est souvent incontournable ;
  • les créanciers bénéficiaires de sûretés (article L642-12 du code de commerce) doivent bénéficier d’une reprise négociée de leur dette ;
  • le plan de cession proposé peut se trouver en concurrence avec d’autres plans.

Le rachat de la SASP

La date fixée par l’administrateur pour le dépôt des dossiers de rachat avait été fixée au 6 août. Deux projets ont été remis à l’administrateur, l’un par Frédéric Sitterlé, l’autre par Thomas Fritz qui avait racheté la holding principale du club pour 1 euro. Les deux dossiers seront présentés le 22 août à la chambre commerciale du TGI qui décidera du futur repreneur du club. Si les créances sont payées sur plusieurs années, les litiges disparaîtront-ils avec la fin de la SASP actuelle ? Le Racing se trouve en tout cas dans la même situation que le club de Cristal Palace, disparu il y a plusieurs saisons alors qu’il devait plusieurs milliers d’euros au Racing au titre du transfert de Valérien Ismaël. Il faudra aussi trouver un avenir aux holdings actuelles mais également aux bonus liées aux ventes successives : Philippe Ginestet touchera 1M d’euros en cas de remontée en L1 et Jafar Hilali 1,5M lors du retour en L2 puis en L1, soit 4M au total à payer aux anciens actionnaires majoritaires. Les clauses « League des Champions » inscrites lors de la vente par Jafar Hilali à Thomas Fritz auraient été abandonnées par le Londonien.

Les projets

Les deux projets seront jugés sur les éléments présentés par les candidats comme sa pérennité, la gestion des salariés, l’apport financier, etc, bref de quoi rassurer le TGI que l’entreprise peut continuer à exister, même sous une autre structure et qu’elle ne viendra pas repointer le bout de son nez dans quelques mois. Frédéric Sitterlé, le patron de Myskreen.com, a déposé un dossier « clair », aux dires de l’administrateur, dans lequel il indique vouloir racheter les éléments corporels et incorporels contre 156000 euros puis injecter 400000 euros la première saison et 700 000 euros la deuxième. Thomas Fritz a de son coté mis sur la toile les grandes lignes de son projet dans un document intitulé « Réinventons le Racing Club de Strasbourg », à lire ici. Si le dossier expose la philosophie de ses idées, et en indique les origines (par exemple le rapport du Ministère des Sports conseillant la structure en SCIC pour les organisations sportives) il a jusqu’au 20 août pour ajouter à ce dernier des éléments financiers concrets qui sont, à ce jour, confidentiels d’après ses dires sur le forum www.infosracing.com. Si il apparaît avoir un train de retard sur le dossier de Frédéric Sitterlé, il poursuit les rendez-vous et les contacts avec les personnes influentes du dossier Racing et confirme être en contact avec un José Cobos qui attend d’en connaître plus sur son projet et sur l’avenir du club avant de se positionner. Une émulsion des deux projets après le 22 août ne permettrait-elle pas d’accélérer les moyens et donc la reconstruction du club ? L’avenir nous le dira.

Le stade

Pour les deux candidats au rachat, la priorité va au stade de la Meinau même si l’entretien de ce dernier coûte cher, essentiellement en hiver. Seule une décision d’envoyer l’équipe première en CFA2 empêcherait les Bleus de refouler la pelouse de la Meinau quelques mois après la marquante fête face à Bayonne.

La gestion administrative et financière

La SASP étant en voie de disparition, c’est aujourd’hui l’association support du RCS, et son président Patrick Spielmann, qui dirige les affaires courantes au niveau sportif. En attendant un futur repreneur, l’entité survit encore sur ses fonts propres, issus en grande partie du rachat des murs du centre de formation l’été dernier par la ville de Strasbourg. Le volet administratif, mais surtout les licenciements en cours, sont à la charge de l’administrateur.

La situation sportive

Après la décision de la DNCG début juillet, l’équipe première est aujourd’hui inscrite en CFA (groupe B) et son équipe réserve en CFA2. Hélas depuis cette date, la SASP a déposé le bilan entraînant de facto la rétrogradation une division en dessous en fin de saison (règlement de la FFF), sauf à terminer premier … Il reste néanmoins un espoir aux strasbourgeois qui ont il y a quelques jours le CNOSF leur donné un avis positif sur le recours à cette décision. La balle est maintenant dans le camp de la fédération qui devrait trancher dans les prochains jours, permettant ainsi d’éclaircir la situation sportive du club. François Keller continue la préparation d'avant-saison avec les joueurs au club. Les matchs amicaux organisés depuis un mois étaient ceux prévus ... pour l'équipe réserve. Pas le plus dramatique dans la situation actuelle.

Les salariés

Ils ne sont plus que cinq sous contrat avec la SASP ! En effet, l’administrateur judiciaire a informé le comité d’entreprise, organisé le 8 août dernier, que quinze salariés supplémentaires seront licenciés prochainement. Les cinq restants sont trois salariés administratifs et deux concierges. Il ne reste donc aujourd’hui plus aucun joueur sous contrat au Racing Club de Strasbourg. Les derniers, stagiaires compris, sont dans cette deuxième vague de licenciements. Les employés de la société satellite Racing Espaces Verts (REV) risquent eux aussi de retrouver leurs libertés mais au travers d’une nouvelle société indépendante, potentiellement future sous-traitante de l’entretien de la pelouse.

Le staff

Deux noms ressortent aujourd’hui au milieu de ce champ de ruine : Jean-Marc Kuentz et François Keller. L’ex directeur du centre et l’ancien entraîneur de la réserve du club continuent professionnellement le travail quotidien pour maintenir à flot le bateau Racing, par respect pour les joueurs encore sur place mais également pour tenter de relancer les machines. Ex et ancien car les deux anciens joueurs du club sont aujourd’hui sans contrat et travaillent donc bénévolement au centre.

Les joueurs

Le flou règne toujours au RCSC’est assurément le volet le plus durement touché, à la limite du pillage. La perte du statut pro a entraîné de facto la fin des contrats professionnels, rendant ces derniers libres de s’engager ailleurs. Ca ne s’est pas fait attendre avec une grosse partie du contingent strasbourgeois qui s’est envolé vers d’autres vertes pelouses, en France et à l’étranger. Fribourg et Lorient ont été les deux gros bénéficiaires avec plusieurs joueurs venus les rejoindre. Outre l’aspect moral (François Keller disait dans notre émission début juin avoir eu la sensation de « ressentir ce que l’on ressent lorsque ses enfants vont vivre sous le toit du nouveau copain de son ex-femme »), c’est surtout financièrement que le club est durement touché. Il ne percevra en effet aucune indemnité de formation ou sur de futures transactions des joueurs qui ont quitté le club alsacien cet été. Un manque à gagner sur plusieurs saisons ! Si l’hémorragie s’est stoppée au niveau des joueurs U15, quelques jeunes ont néanmoins donné leurs accords pour poursuivre l’aventure alsacienne malgré le flou quant à l’avenir sportif de l’équipe : les gardiens Vauvenargues Kéhi et Émile Krumhorn, le défenseur Steven Keller, les milieux défensifs Florian Bischoff et Joris Ursch, et les milieux offensifs Adel Benchenane et Tommy De Jong. Les contrats de ces joueurs sont en attente d’homologation par la fédération. Des joueurs sont également actuellement à l’essai : le gardien Thomas Aupic, le latéral Vincent Guignery, les défenseurs centraux Billy Modeste et Fernander Kassa, les milieux récupérateurs Thomas Martin et Abdoulaye Coulibaly, et l’attaquant Saidou Sow. Des anciens pros sont également encore présents à Strasbourg même si leurs avenirs se situent sûrement loin de la Krimmeri. Il s’agit de David Ledy, Quentin Othon, Bill Tchato, Benjamin Genghini et Pacho Donzelot. Rien n’exclut cependant qu’en cas décision sportive favorable, un ou l’autre reste sous les couleurs strasbourgeoises. « Heureusement » pour le club alsacien, en CFA, les contrats fédéraux ne sont ni limités en nombre, ni plafonnés sur le plan salarial. La crise que connaît actuellement le football permettra peut être également d’attirer quelques autres joueurs pros en mal de club.

Le championnat

L’équipe première du Racing doit débuter son championnat le dimanche 14 août à 15h00 contre l’équipe réserve de Sochaux. Dans la réalité, compte-tenu des échéances à la fédération française et au TGI, il est fort probable que les premières rencontres seront tout simplement reportées. Si l’on suit le calendrier des prochaines semaines et celui du championnat CFA, le premier match de la saison 2011 / 2012 aura lieu le samedi 27 août à Moulins. Il faudra ensuite attendre une semaine avant de voir les Bleus à la Meinau, le samedi 3 septembre face Bourg-Péronnas. L’équipe réserve, qui devrait normalement évoluer en CFA2, débutera aussi son championnat fin août avec probablement une grande partie des U19 nationaux.

Le calendrier

Voici les principales échéances du mois d’août :

  • 10 août : comité exécutif de la FFF qui décidera de l’avenir sportif du club (sous réserve, susceptible d’être décalé)
  • 10 août à 19h00 : match amical à et face Biesheim
  • 14 août à 15h00 : 1ère journée de CFA face à Sochaux II (reporté)
  • 14 août à 17h00 : match amical face à Schiltigheim à Still
  • 15 août à 16h00 : match amical contre l’ASIM
  • 20 août : date limite pour apporter des compléments au dossier de rachat
  • 20 août à 20h00 : 2ème journée de CFA face à Metz II (reporté)
  • 22 août : décision de la 1ère chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg sur les suites données au redressement judiciaire
  • 27 août à 20h00 : 3ème journée de CFA à Moulins (date à définir)

Les supporters

La traditionnelle campagne d’abonnement risque cette année, si elle se fait, d’être expéditive. Si la situation administrative et sportive devrait se décanter après la 22 août, il restera moins de quinze jours pour la lancer avant la réception de Bours-Péronnas le 3 septembre. Le site internet, la boutique et tous les autres éléments qui touchent de près ou de loin au club sont dans la même impasse. Il faudra attendre.

Bilan

A ce jour, c’est sans surprise qu’il reste encore beaucoup de points sur lesquels personne n’a de réponse. L’avenir sportif est lié à la décision du comité exécutif de la 3F et au projet du futur propriétaire. Rien ne sera simple d’ici là, pas plus que les derniers mois. Il faudra beaucoup de travail et de patience pour espérer que le prochain épisode se nomme « On a retrouvé le Racing Club de Strasbourg » !

Sources : Wikipédia, InfosRacing.com, l’Alsace, …